4.5.6 Notation proportionnelle

LilyPond prend en charge la notation proportionnelle. Il s’agit dans ce cas de représenter la notation selon un espacement strictement relatif aux durées. Ce type d’espacement pourrait se comparer à l’utilisation de papier millimétré pour positionner les notes au fil de la portée. Certaines œuvres de la fin du XXe siècle et à l’aube du XXIe utilisent cette proportionnalité dans le but de clarifier des structures rythmiques complexes, d’aider au positionnement d’indications temporelles ou autres éléments graphiques directement dans la partition.

LilyPond met à votre disposition différents réglages, qui peuvent s’utiliser conjointement ou individuellement, aux fins de mettre au point cette notation proportionnelle.

Nous allons examiner, dans les différents exemples qui suivent, les effets de ces réglages et comment ils interagissent.

Commençons par cette mesure toute simple qui utilise l’espacement classique et justifiée à gauche.

\new RhythmicStaff {
  c2 16 16 16 16 \tuplet 5/4 { 16 16 16 16 16 }
}

[image of music]

Vous constatez que la blanche qui entame la mesure prend moins de la moitié de l’espace. De même, les doubles croches et le quintolet de doubles (donc des vingtièmes de ronde) qui terminent cette mesure n’en occupent pas la moitié de l’espace horizontal.

En matière de gravure traditionnelle, cet espacement correspond tout à fait à nos attentes, puisque nous pouvons rogner de l’espace sur la blanche et ainsi gagner en largeur sur toute la mesure qui fait une ronde.

Par contre, si nous avons besoin d’insérer une indication temporelle ou un autre graphisme en surplomb ou en dessous de notre partition, nous aurons besoin de la notation proportionnelle. Celle-ci s’active en définissant la propriété proportionalNotationDuration.

\new RhythmicStaff {
  c2 16 16 16 16 \tuplet 5/4 { 16 16 16 16 16 }
}
\layout {
  \context {
    \Score
    proportionalNotationDuration = \musicLength 1*1/20
  }
}

[image of music]

La blanche du début et les notes plus rapides de la deuxième moitié de la mesure occupent maintenant exactement le même espace horizontal. Nous pourrions donc y insérer, au-dessus ou au-dessous, une indication temporelle ou autre graphisme.

proportionalNotationDuration est une propriété attachée au contexte Score. Rappelez-vous que vous pouvez régler les propriétés d’un contexte à trois différents endroits de votre fichier : dans un bloc \with, dans un bloc \context ou au beau milieu de la musique à l’aide de la commande \set. Vous pouvez donc définir proportionalNotationDuration selon l’une de ces trois façons, à l’instar de n’importe quelle définition de contexte.

La propriété proportionalNotationDuration prend en unique argument la durée de référence qui servira de base pour espacer toute la musique. L’appel de \musicLength 1*1/20 produit donc une durée de référence égale à un vingtième de ronde. Vous pourriez tout aussi bien utiliser \musicLength_16 ou \musicLength {2 2.}.

Se pose alors le problème de fournir la juste durée de référence à proportionalNotationDuration. Il faut en l’occurrence procéder par tâtonnement, en commençant par une valeur proche de la note la plus rapide (la durée la plus courte) du morceau. Au plus la durée de référence est petite, au plus la musique sera étalée ; à l’inverse, une durée de référence élevée produira une musique resserrée.

rhythm = { c2 16 16 16 16 \tuplet 5/4 { 16 16 16 16 16 } }

\new RhythmicStaff {
  \set Score.proportionalNotationDuration = \musicLength 8
  % Allow overlapping of note heads.
  \override NoteHead.extra-spacing-width = #'(+inf.0 . -inf.0)
  \rhythm
}

\new RhythmicStaff {
  \set Score.proportionalNotationDuration = \musicLength 16
  \rhythm
}

\new RhythmicStaff {
  \set Score.proportionalNotationDuration = \musicLength 32
  \rhythm
}

[image of music]

Vous ne manquerez pas de noter qu’une durée de référence trop grande, comme la croche pour la première ligne, a pour conséquence de resserrer la musique, ce qui peut aboutir à des chevauchements de têtes. Vous remarquez aussi que, par principe, la notation proportionnelle occupe beaucoup plus d’espace horizontal que l’espacement traditionnel. La notation proportionnelle met en évidence le rythme au détriment de l’espacement horizontal.

Examinons à présent le moyen d’optimiser l’espacement de n-olets en tuilage. Reprenons notre exemple de départ, avec son espacement traditionnel, et ajoutons lui une portée incluant un autre type de n-olet.

<<
  \new RhythmicStaff {
    c2 16 16 16 16 \tuplet 5/4 { 16 16 16 16 16 }
  }
  \new RhythmicStaff {
    \tuplet 9/8 { c8 8 8 8 8 8 8 8 8 }
  }
>>

[image of music]

L’espacement est loin d’être idéal, pour la simple raison que l’espacement régulier des notes de la portée inférieure ne s’étire pas uniformément. Il est vrai que de telles constructions complexes en n-olets sont assez rares en gravure traditionnelle, ce qui explique que les règles qu’elle applique peuvent amener à ce résultat. Le recours à proportionalNotationDuration permet d’arranger les choses.

<<
  \new RhythmicStaff {
    c2 16 16 16 16 \tuplet 5/4 { 16 16 16 16 16 }
  }
  \new RhythmicStaff {
    \tuplet 9/8 { c8 8 8 8 8 8 8 8 8 }
  }
>>
\layout {
  \context {
    \Score
    proportionalNotationDuration = \musicLength 1*1/20
  }
}

[image of music]

Cependant, si l’on observe de près, il est évident que les notes de la deuxième moitié du ennaolet ont tendance à s’espacer légèrement plus que celles de la première moitié. Afin d’uniformiser cet étalement, nous allons activer le uniform-stretching, propriété attachée au SpacingSpanner.

<<
  \new RhythmicStaff {
    c2 16 16 16 16 \tuplet 5/4 { 16 16 16 16 16 }
  }
  \new RhythmicStaff {
    \tuplet 9/8 { c8 8 8 8 8 8 8 8 8 }
  }
>>
\layout {
  \context {
    \Score
    proportionalNotationDuration = \musicLength 1*1/20
    \override SpacingSpanner.uniform-stretching = ##t
  }
}

[image of music]

L’espacement sur les deux portées est maintenant correct, les relations rythmiques sont clairement perceptibles, et nous pourrions y insérer une indication temporelle ou autre graphisme selon notre envie.

Il est préférable de toujours activer la propriété uniform-stretching du SpacingSpanner lorsqu’on fait appel à proportionalNotationDuration. Dans le cas contraire, un espacement erroné pourrait se produire en présence de silences invisibles skip.

Le SpacingSpanner est en fait un objet graphique abstrait attaché au contexte Score. Tout comme pour la propriété proportionalNotationDuration, les réglages du SpacingSpanner peuvent se faire à trois différents endroits de votre fichier : dans un bloc \with attaché à \Score, dans un bloc \context ou au beau milieu de la musique à l’aide de la commande \set.

Gardez bien à l’esprit qu’il n’y a par défaut qu’un seul SpacingSpanner par Score. Il s’ensuit que uniform-stretching est soit activé, soit désactivé, et dans tous les cas pour l’intégralité de la partition. Vous pourriez toutefois avoir besoin de modifier ce comportement en cours de partition, et recourir alors à l’instruction \newSpacingSection – pour de plus amples détails, voir la rubrique Changement d’espacement en cours de partition.

Intéressons-nous maintenant au Separating_line_group_engraver, qui est désactivé pour la plupart des partitions en notation proportionnelle. Voici ce qui apparaît dans une partition traditionnelle : il y a toujours un « espace préservé » juste avant la première note de chaque portée.

\paper {
  indent = 0
}

\new Staff {
  c'1 \break
  c'1
}

[image of music]

Cet espace, géré par le Separating_line_group_engraver, est aussi présent lorsqu’intervient un changement de métrique, d’armure ou de clef. Désactiver le Separating_line_group_engraver revient à réduire cet espace à zéro.

\paper {
  indent = 0
}

\new Staff \with {
  \remove Separating_line_group_engraver
} {
  c'1 \break
  c'1
}

[image of music]

Les éléments non musicaux tels que métrique, armure, clef et altérations, posent problème lorsqu’on travaille en notation proportionnelle. Bien qu’aucune notion de durée ne leur soit attachée, ces éléments « consomment » de l’espace. Différentes approches permettent cependant de gérer ce problème.

Éviter les problèmes d’espacement avec l’armure est chose aisée : il suffit qu’il n’y en ait pas ! C’est bien souvent le cas en musique contemporaine, où l’on trouve le plus d’ouvrages en notation proportionnelle. Il en va de même pour la métrique, et tout particulièrement lorsque la partition comporte un quadrillage temporel ou autres graphismes. L’absence de métrique reste cependant exceptionnelle et la plupart des partitions en notation proportionnelle laissent apparaître quelques métriques. Il est par contre pratiquement impossible de se passer de clef et d’altération.

L’une des options permettant de s’affranchir de l’espacement dû aux éléments non musicaux consiste en l’activation de la propriété strict-note-spacing attachée au SpacingSpanner. Observons les deux portées suivantes :

{
  \set Score.proportionalNotationDuration = \musicLength 16
  c''8 8 8 \clef alto d'2 d'8
}

{
  \set Score.proportionalNotationDuration = \musicLength 16
  \override Score.SpacingSpanner.strict-note-spacing = ##t
  c''8 8 8 \clef alto d'2 d'8
}

[image of music]

Toutes deux affichent un espacement proportionnel. Cependant, la première ligne laisse apparaître un espacement plus lâche en raison de la présence d’un changement de clef. En ce qui concerne la deuxième ligne, l’espacement est strictement observé dès lors que la propriété strict-note-spacing a préalablement été activée. Comme vous pouvez le constater, l’activation de strict-note-spacing a pour conséquence que l’algorithme d’espacement ignore tout bonnement la largeur des métriques, armures, clefs et altérations.

En plus de ceux que nous venons de voir, vous trouverez d’autres réglages en usage dans la notation proportionnelle.

\override SpacingSpanner.strict-grace-spacing = ##t

espace les notes d’ornement de manière stricte (see Positionnement des notes d'ornement avec espace flottant)

\set tupletFullLength = ##t

étend le crochet de n-olet pour indiquer rhytmiquement ses points de début et de fin

\override Beam.breakable = ##t

permet d’interrompre des ligatures (see Ligature au moment d'un saut de ligne)

\override Glissando.breakable = ##t

permet d’interrompre des glissandos (see Saut de ligne et glissando)

\remove Forbid_line_break_engraver

autorise les sauts de lignes même lorsqu’un élément musical est encore actif (see Sauts de ligne)

Voir aussi

Manuel de notation : Changement d’espacement en cours de partition.

Morceaux choisis : Espacements.


GNU LilyPond – Manuel de notation v2.25.22 (development-branch).