2.5.3 Définition d’une nouvelle commande de markup

Nous allons étudier dans ce qui suit la manière de définir une nouvelle commande de markup.


Syntaxe d’une commande markup

Une commande de markup personnalisée se définit à l’aide de la macro Scheme define-markup-command, placée en tête de fichier.

 
(define-markup-command (nom-commande layout props arg1 arg2…)
    (arg1-type? arg2-type?…)
    [ #:properties ((propriété1 valeur-par-défaut1)
                    …) ]
    [ #:as-string expression ]
  …corps de la commande…)

Quelques commentaires sur les arguments :

nom-commande

le nom que vous attribuez à votre commande de markup.

layout

la définition du « layout » – son formatage.

props

une liste de listes associatives, comprenant toutes les propriétés actives.

argi

le ième argument de la commande.

argi-type?

un type de prédicat pour le ième argument.

Si la commande utilise des propriétés à partir des arguments props, le mot-clé #:properties permet de spécifier ces différentes propriétés ainsi que leur valeur par défaut.

Les arguments se distinguent selon leur type :

Il n’existe aucune restriction quant à l’ordre des arguments fournis à la suite des arguments layout et props. Néanmoins, les fonctions markup qui ont en dernier argument un markup ont ceci de particulier qu’elles peuvent s’appliquer à des listes de markups ; ceci résultera en une liste de markups où tous les éléments de la liste originelle se verront appliquer cette fonction markup avec ses arguments de tête.

La réplication des arguments de tête dans le but d’appliquer une fonction markup à une liste de markups est économique, principalement lorsqu’il s’agit d’arguments Scheme. Vous éviterez ainsi d’éventuelles pertes de performance en utilisant des arguments Scheme en tant qu’arguments principaux d’une fonction markup dont le dernier argument est un markup.

Les commandes de markup ont un cycle de vie relativement complexe. Le corps de la définition d’une commande de markup est chargé de convertir les arguments de la commande en expression stencil qui sera alors renvoyée. Bien souvent, ceci s’accomplit par un appel à la fonction interpret-markup, en lui passant les arguments layout et props. Ces arguments ne seront en principe connus que bien plus tardivement dans le processus typographique. Lors de l’expansion d’une expression LilyPond \markup ou d’une macro Scheme markup, les expressions markup auront déjà vu leurs composants assemblés en expressions markup. L’évaluation et le contrôle du type des arguments à une commande de markup n’interviennent qu’au moment de l’interprétation de \markup ou markup.

Seule l’application de interpret-markup sur une expression markup réalisera effectivement la conversion des expressions markup en stencil, au travers de l’exécution du corps des fonctions markup.


Attribution de propriétés

Les arguments layout et props d’une commande de markup fournissent un contexte à l’interprétation du markup : taille de fonte, longueur de ligne, etc.

L’argument layout permet d’accéder aux propriétés définies dans les blocs \paper, grâce à la fonction ly:output-def-lookup. Par exemple, la longueur de ligne, identique à celle de la partition, est lue au travers de

(ly:output-def-lookup layout 'line-width)

L’argument props rend certaines propriétés accessibles aux commandes de markup. Il en va ainsi lors de l’interprétation d’un markup de titre d’ouvrage : toutes les variables définies dans le bloc \header sont automatiquement ajoutées aux props, de telle sorte que le markup de titrage de l’ouvrage pourra accéder aux différents champs titre, compositeur, etc. Ceci permet aussi de configurer le comportement d’une commande de markup : la taille des fontes, par exemple, est lue à partir de props plutôt que grâce à un argument font-size. La fonction appelant une commande de markup peut altérer la valeur de la propriété taille des fontes et donc en modifier le comportement. L’utilisation du mot-clé #:properties, attaché à define-markup-command, permet de spécifier les propriétés devant être lues parmi les arguments props.

L’exemple proposé à la rubrique suivante illustre comment, au sein d’une commande de markup, accéder aux différentes propriétés et les modifier.


Exemple commenté

Nous allons, dans cet exemple, nous attacher à encadrer du texte avec un double liseré.

Commençons par construire quelque chose d’approximatif à l’aide d’un simple markup. La lecture de Commandes pour markup nous indique la commande \box, qui semble ici appropriée.

\markup \box \box HELLO

[image of music]

Dans un souci d’esthétique, nous aimerions que le texte et les encadrements ne soient pas autant accolés. Selon la documentation de \box, cette commande utilise la propriété box-padding, fixée par défaut à 0,2. Cette même documentation nous indique aussi comment la modifier :

\markup \box \override #'(box-padding . 0.6) \box A

[image of music]

L’espacement des deux liserés est cependant toujours trop réduit ; modifions le à son tour :

\markup \override #'(box-padding . 0.4) \box
     \override #'(box-padding . 0.6) \box A

[image of music]

Vous conviendrez que recopier une telle définition de markup deviendra vite fastidieux. C’est pourquoi nous écrivons la commande de markup double-box qui prendra un seul argument – le texte. Cette commande se chargera de dessiner les encadrements, en tenant compte des espacements.

 
#(define-markup-command (double-box layout props text) (markup?)
  "Dessine un double encadrement autour du texte."
  (interpret-markup layout props
    #{\markup \override #'(box-padding . 0.4) \box
            \override #'(box-padding . 0.6) \box { #text }#}))

ou bien son équivalent

 
#(define-markup-command (double-box layout props text) (markup?)
  "Dessine un double encadrement autour du texte."
  (interpret-markup layout props
    (markup #:override '(box-padding . 0.4) #:box
            #:override '(box-padding . 0.6) #:box text)))

text est le nom de l’argument de notre commande, et markup? son type – l’argument sera identifié comme étant un markup. La fonction interpret-markup, utilisée dans la plupart des commandes de markup, construira un stencil à partir de layout, props et un markup. Dans la seconde variante, ce markup sera construit à l’aide de la macro Scheme markup – voir Construction d’un markup en Scheme. La transformation d’une expression \markup en expression Scheme est des plus triviales.

Notre commande personnalisée s’utilise ainsi :

\markup \double-box A

Il serait intéressant de rendre cette commande double-box plus souple : les valeurs de box-padding sont figées et ne peuvent être modifiées à l’envie. Pareillement, il serait bien de distinguer l’espacement entre les encadrements de l’espacement entre le texte et ses encadrements. Nous allons donc introduire une propriété supplémentaire, que nous appellerons inter-box-padding, chargée de gérer l’espacement des encadrements ; box-padding ne servira alors que pour l’espacement intérieur. Voici le code adapté à ces évolutions :

 
#(define-markup-command (double-box layout props text) (markup?)
  #:properties ((inter-box-padding 0.4)
                (box-padding 0.6))
  "Dessine un double encadrement autour du texte."
  (interpret-markup layout props
    #{\markup \override #`(box-padding . ,inter-box-padding) \box
               \override #`(box-padding . ,box-padding) \box
               { #text } #}))

Ainsi que son équivalent à partir de la macro markup :

 
#(define-markup-command (double-box layout props text) (markup?)
  #:properties ((inter-box-padding 0.4)
                (box-padding 0.6))
  "Dessine un double encadrement autour du texte."
  (interpret-markup layout props
    (markup #:override `(box-padding . ,inter-box-padding) #:box
            #:override `(box-padding . ,box-padding) #:box text)))

C’est ici le mot-clé #:properties qui permet de lire les propriétés inter-box-padding et box-padding à partir de l’argumenet props ; on leur a d’ailleurs fourni des valeurs par défaut au cas où elles ne seraient pas définies.

Ces valeurs permettront alors d’adapter les propriétés de box-padding utilisées par les deux commandes \box. Vous aurez remarqué, dans l’argument \override, la présence de l’apostrophe inversée (`) et de la virgule ; elles vous permettent d’insérer une valeur variable au sein d’une expression littérale.

Notre commande est maintenant prête à servir dans un markup, et les encadrements sont repositionnables.

#(define-markup-command (double-box layout props text) (markup?)
  #:properties ((inter-box-padding 0.4)
                (box-padding 0.6))
  "Draw a double box around text."
  (interpret-markup layout props
    #{\markup \override #`(box-padding . ,inter-box-padding) \box
              \override #`(box-padding . ,box-padding) \box
              { #text } #}))

\markup \double-box A
\markup \override #'(inter-box-padding . 0.8) \double-box A
\markup \override #'(box-padding . 1.0) \double-box A

[image of music]


Adaptation d’une commande incorporée

Le meilleur moyen de construire ses propres commandes de markup consiste à prendre exemple sur les commandes déjà incorporées. La plupart des commandes de markup fournies avec LilyPond sont répertoriées dans le fichier ‘scm/define-markup-commands.scm’.

Nous pourrions, par exemple, envisager d’adapter la commande \draw-line pour dessiner plutôt une ligne double. Voici comment est définie la commande \draw-line, expurgée de sa documentation :

 
(define-markup-command (draw-line layout props dest)
  (number-pair?)
  #:category graphic
  #:properties ((thickness 1))
  "…documentation…"
  (let ((th (* (ly:output-def-lookup layout 'line-thickness)
               thickness))
        (x (car dest))
        (y (cdr dest)))
    (make-line-stencil th 0 0 x y)))

Avant de définir notre propre commande basée sur l’une de celles fournies par LilyPond, commençons par en recopier la définition, puis attribuons lui un autre nom. Le mot-clé #:category peut être supprimé sans risque ; il ne sert que lors de la génération de la documentation et n’est d’aucune utilité pour une commande personnalisée.

 
(define-markup-command (draw-double-line layout props dest)
  (number-pair?)
  #:properties ((thickness 1))
  "…documentation…"
  (let ((th (* (ly:output-def-lookup layout 'line-thickness)
               thickness))
        (x (car dest))
        (y (cdr dest)))
    (make-line-stencil th 0 0 x y)))

Nous ajoutons ensuite une propriété pour gérer l’écart entre les deux lignes, que nous appelons line-gap, et lui attribuons une valeur par défaut de 6 dixièmes :

 
(define-markup-command (draw-double-line layout props dest)
  (number-pair?)
  #:properties ((thickness 1)
                (line-gap 0.6))
  "…documentation…"
  …

Nous ajoutons enfin le code qui dessinera nos deux lignes. Deux appels à make-line-stencil permettrons de dessiner les lignes dont nous regrouperons les stencils à l’aide de ly:stencil-add :

#(define-markup-command (my-draw-line layout props dest)
  (number-pair?)
  #:properties ((thickness 1)
                (line-gap 0.6))
  "..documentation.."
  (let* ((th (* (ly:output-def-lookup layout 'line-thickness)
                thickness))
         (dx (car dest))
         (dy (cdr dest))
         (w (/ line-gap 2.0))
         (x (cond ((= dx 0) w)
                  ((= dy 0) 0)
                  (else (/ w (sqrt (+ 1 (* (/ dx dy) (/ dx dy))))))))
         (y (* (if (< (* dx dy) 0) 1 -1)
               (cond ((= dy 0) w)
                     ((= dx 0) 0)
                     (else (/ w (sqrt (+ 1 (* (/ dy dx) (/ dy dx))))))))))
     (ly:stencil-add (make-line-stencil th x y (+ dx x) (+ dy y))
                     (make-line-stencil th (- x) (- y) (- dx x) (- dy y)))))

\markup \my-draw-line #'(4 . 3)
\markup \override #'(line-gap . 1.2) \my-draw-line #'(4 . 3)

[image of music]


Conversion de markups en chaînes

Les markups sont parfois convertis en chaînes littérales, ce qui est le cas pour générer une métadonnée PDF basée sur le champ d’entête title ou pour convertir des paroles en MIDI. Cette conversion n’est pas parfaite, mais elle est aussi fidèle que possible. La fonction dévolue à cette opération est markup->string.

composerName = \markup \box "Arnold Schönberg"

\markup \composerName

\markup \typewriter #(markup->string composerName)

[image of music]

Dans le cas de commandes de markup personnalisées, le comportement par défaut consiste à convertir dans un premier temps tous les markups ou les arguments de la liste de markups, puis à joindre les résultats par des espaces.

#(define-markup-command (authors-and layout props authorA authorB)
                        (markup? markup?)
   (interpret-markup layout props
    #{
      \markup \fill-line { \box #authorA and \box #authorB }
    #}))

defaultBehavior = \markup \authors-and "Bertolt Brecht" "Kurt Weill"

\markup \defaultBehavior

\markup \typewriter #(markup->string defaultBehavior)

[image of music]

markup->string peut aussi recevoir les argument nommés #:layout layout et #:props props, avec la même signification que lorsqu’ils apparaissent dans la définition d’une commande de markup. Ils sont toutefois optionnels dans la mesure où ils peuvent ne pas toujours être pourvus – cas typique de l’argument layout pour convertir en MIDI.

Afin de définir une conversion différente du comportement par défaut dans une commande pour markup personnalisée, on peut fournir le paramètre #:as-string à define-markup-command. Il attend une expression, évaluée par markup->string, afin de produire la chaîne.

#(define-markup-command (authors-and layout props authorA authorB)
                        (markup? markup?)
   #:as-string (format #f "~a and ~a"
                       (markup->string authorA #:layout layout #:props props)
                       (markup->string authorB #:layout layout #:props props))
   (interpret-markup layout props
    #{
      \markup \fill-line { \box #authorA and \box #authorB }
    #}))

customized = \markup \authors-and "Bertolt Brecht" "Kurt Weill"

\markup \customized

\markup \typewriter #(markup->string customized)

[image of music]

Au sein de l’expression sont disponibles les mêmes variables que dans le corps de la commande de markup, à savoir les argument de la commande, ainsi que layout et props, et les éventuelles propriétés.

#(define-markup-command (authors-and layout props authorA authorB)
                        (markup? markup?)
   #:properties ((author-separator " and "))
   #:as-string (format #f "~a~a~a"
                       (markup->string authorA #:layout layout #:props props)
                       (markup->string author-separator #:layout layout #:props props)
                       (markup->string authorB #:layout layout #:props props))
   (interpret-markup layout props
    #{
      \markup { \box #authorA #author-separator \box #authorB }
    #}))

customized = \markup \override #'(author-separator . ", ")
                     \authors-and "Bertolt Brecht" "Kurt Weill"

\markup \customized

\markup \typewriter #(markup->string customized)

[image of music]

La plupart du temps, il suffira au gestionnaire personnalisé d’un appel récursif à markup->string sur certains arguments, comme illustré ci-dessus. Néanmoins, on peut toujours recourir directement à layout et props comme si l’on était dans le corps principal. Une attention particulière doit être portée au fait que, dès lors que #:layout n’est pas passé à markup->string, l’argument layout égale #f. L’argument props est par défaut une liste vide.


LilyPond — Extension des fonctionnalités v2.23.82 (branche de développement).